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L’interprétation ou l’art de raconter une histoire par le corps

L’interprétation ou l’art de raconter une histoire par le corps

Fondatrice et directrice de l’Académie Trois Talents, danseuse, chorégraphe, enseignante et autrice, Connie Rotella se définit aussi comme une interprète en danse… qui continue d’explorer l’interprétation ! Pour elle, transmettre l’émotion sans la forcer est essentiel et ce processus se construit tout au long de nos expériences et de notre vécu. Malheureusement, elle constate que cette étape est souvent écartée au profit de la prouesse technique. Loin d’elle l’idée de mettre les efforts et les réussites physiques de côté, mais elle aime profondément aider les artistes à comprendre ce qu’ils et elles ressentent. Car plus on évolue, plus on prend de l’assurance dans ce que l’on fait, tout simplement.

Rédactrice : Charleyne Bachraty

Mettre ses émotions au service de l’interprétation

Ah l’interprétation ! On a souvent une définition approximative de ce concept et de ce qu’il nécessite. Pourquoi ne pas commencer par expliquer ce que l’on entend par interprétation ? « L’interprétation, c’est quand on est capable en tant qu’artiste - en chant, en jeu, en danse - d’être vulnérable et de livrer ce que l’on ressent à l’intérieur ». En quelques mots, cette définition traduit toute la difficulté de l’exercice. Au lieu de « simplement » (avec de très gros guillemets !) exécuter des mouvements techniques et de mettre de l’avant ses prouesses d’athlète, on va essayer de raconter une histoire et de transmettre les émotions de notre personnage. Ces exigences d’interprétation sont particulièrement demandées lors de spectacles, de comédies musicales ou dans des projets d’équipes, car tout le monde à ce moment-là travaille à bâtir cette histoire. « Il faut que le public ressente quelque chose en nous voyant danser, sans mots » explique Connie. C’est le corps qui doit être ce canal de communication privilégié avec les spectateurs et les spectatrices. Et il dépend entièrement des interprètes qui doivent veiller à bien comprendre leur personnage et ce qu’il raconte, pour que le bon message passe de la bonne façon.

Interpréter, c’est donc avant tout se poser de nombreuses questions ! Qui est mon personnage ? Quel est son rôle ? Que veut-il transmettre ? Et il y a autant d’interprétations que d’interprètes, précise Connie, puisque chaque personne a ses sentiments, son identité et son savoir-faire qui lui sont propres. Et ressentir les émotions, c’est différent selon notre âge, car à 10 ans, on n’a pas le même vécu qu’à 30 ou à 50 : « Si l’on n’a jamais vécu de peine d’amour, on ne peut pas savoir ce que cela fait. On peut mettre en contexte et donner des exemples pour faire ressentir l’émotion que l’on recherche, mais ce sera une imitation, pas une interprétation ». Au fur et à mesure de notre apprentissage et de nos expériences de vie, on se construit et l’on acquiert une plus large palette de sentiments. L’important, c’est de se permettre d’évoluer, et pour Connie, ça n’a pas de prix : « C’est l’fun de voir une gamme d’émotions se développer, de voir quelqu’un grandir et comprendre ce qu’il ressent, c’est la magie de la scène ! ».

 

Comment passer de l’athlète à l’interprète ?

Imagination – Curiosité – Interprétation : c’est l’équation idéale pour passer à un autre niveau ! Tant que l’on n’a pas ressenti une émotion dans son expérience personnelle, on va avoir de la difficulté à la retransmettre sur scène. Alors oui, lorsque l’on est jeune, on va imaginer ce que c’est d’être triste, en colère, joyeux. Puis, au fur et à mesure que l’on grandit, on va affiner cette palette et la renforcer : « Mais on ne peut pas demander à quelqu’un qui prend des cours techniques d’interpréter tout de suite. Si on lui met une chanson triste, il va faire une face triste, mais on est dans l’imitation, qui est une forme non développée de l’interprétation. C’est un « vouloir faire », un « vouloir comprendre » qui exige du temps ».

Alors, comment faire ? Avant toute chose, il faut avoir la curiosité, l’ouverture et la volonté, se donner la liberté d’aller chercher à l’intérieur de soi pour puiser la juste sensation. Dans cette perspective, les cours théâtraux peuvent aider. Connie insiste sur ce point : « Beaucoup de personnes viennent me voir en disant qu’elles ont suivi des cours de jazz sur des chansons de comédies musicales. C’est bien, mais ce n’est pas de l’interprétation ».

La question à un million de dollars : est-ce que l’on peut commettre des erreurs d’interprétation ?

« Non ! » nous rassure Connie. On conçoit qu’au début, on effleure l’émotion, puis plus on la travaille, plus le ressenti va émerger. Mais effectivement, on ne peut pas se tromper : on va se faire confiance et lâcher prise, jusqu’à atteindre une sensibilité qui ne manquera pas de toucher le public. Définitivement, on ne peut pas interpréter si l’on ne comprend pas ce que l’on ressent, si l’on ne se sent pas libre d’explorer ses sentiments, et si l’on se juge ou si l’on se laisse juger dans cet apprentissage. Mais tout cela nécessite de faire la bonne recherche, la bonne préparation, insiste Connie pour qui cette exploration – souvent négligée - est indispensable au travail d’interprète.

« Notre carrière est beaucoup plus intéressante quand on sait ce que l’on fait et pourquoi on le fait, alors Be you ! ». D’où l’importance de revenir à la source, de prendre le temps, de savoir comment donner pour recevoir… Toujours dans le plaisir !

Connie finit son explication en parlant de Liisa Saario, dont le passage à Révolution en 2018 a été plus que remarquable : « Elle nous a montré ce qu’est la danse, et ce qu’est l’interprétation. À 58 ans, elle a été capable de toucher les juges et le public, en étant humaine, interprète et danseuse. That’s power ! ». En conclusion : on a besoin des Oh ! et des Ah !, mais on a aussi besoin de cette base pour nous rappeler que l’on doit avant tout prendre plaisir à danser. « Mais maîtrisez votre technique ! » dit Connie (rires).

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